Tous les spécialistes sérieux développent des arguments tout à fait faciles à comprendre pour dire que les quelques poignées de chars que nous allons envoyer en Ukraine ne changeront rien au plan militaire ; pas plus que l’envoi d’avions, de missiles ou quoi que ce soit d’autre.
La tragique symbolique des panzers engagés par l’Allemagne contre les Russes. En revanche, la symbolique des panzers engagés entre les mains des bandéristes contre la Russie va changer tout le contexte de cette guerre, tout son sens, toute sa dimension historique. Il en résultera malheureusement une inéluctable extension du conflit vers l’Ouest. Bien entendu, il y a tout lieu de penser que pour rendre les choses encore plus irréversibles, l’histrion déjanté de Kiev s’empressera de confier ces chars allemands aux bataillons ukronazis, Azov, Kraken et autres.
Une anecdote pour bien comprendre l’âme russe et le sentiment patriotique profond qu’a laissé la Grande Guerre Patriotique. Irina, une jeune femme originaire de l’Oural profond m’a expliqué un jour que dans son enfance, dans les années 90, les dames de la cantine qui avaient connu la Grande Guerre Patriotique les obligeaient à ramasser les miettes de pain sur les tables pour ne pas gaspiller. Parce qu’un jour, ça allait recommencer. Voilà, c’est anecdotique mais ça dit tout de l’état d’esprit profond des Russes par rapport au passé et à leur Histoire.
Un peuple qui sait souffrir. Lors de l’effondrement de l’empire soviétique, les années Eltsine ont été un véritable cauchemar pour l’immense majorité du peuple russe. Rien ne lui a été épargné : perte d’estime de lui-même, alcoolisme, pénuries, chômage ravageur, femmes seules et enfants sans père obligés de survivre dans les pires conditions, misère noire… Pourtant, malgré le désespoir, mais avec l’immense secours de la religion et en allant chercher au plus profond de lui-même, ce peuple a tenu bon. Si tout autour de lui s’effondrait, lui est resté debout pour renaître ensuite. Et de quelle manière ! Alors oui, ces gens savent souffrir. Oui, la religion est ce qui leur reste en dernier ressort et sur quoi ils savent pouvoir s’appuyer ; tout comme sur leur âme profonde.
Poutine l’homme qui a redonné sa dignité au peuple russe. Plus que jamais Vladimir poutine incarne à lui seul ce qu’il y a de plus profond dans l’âme russe. Pour l’immense majorité du peuple russe, il est celui qui a su relever leur pays humilié par l’effondrement de l’empire, humilié par les années Eltsine, humilié par l’Europe et l’Amérique. Et ça, les Russes ne peuvent pas l’oublier. Si tant est qu’ils aient quelque chose à pardonner à Vladimir Poutine, c’est déjà oublié, car ce n’est rien en comparaison du redressement moral et du retour à la dignité qu’il a su leur apporter. Aucun Russe n’en doute, Vladimir Poutine s’est imposé comme le seul chef capable de sauver le pays contre la tentative de destruction menée par l’Occident global.
Un jour ça recommencera. Tous les Russes, même ceux qui ne l’ont pas connue, ont été élevés dans le souvenir des souffrances de la Grande Guerre Patriotique et dans le culte des héros. Voilà le sentiment patriotique profond qu’ils partagent tous et qui nous est totalement étranger : la mémoire des souffrances et un profond sentiment de reconnaissance pour les millions de morts et surtout, surtout, l’idée qu’un jour ça recommencerait.
Une différence de potentiel moral qui fera la différence. Totalement incompréhensibles pour nos peuples qui ont été conditionnés dans l’idée de tirer les dividendes de la paix. Anthropologiquement, c’est le jour et la nuit. Militairement, ça fera toute la différence. On le comprend bien, ce n’est évidemment pas Macron ni aucun des dirigeants occidentaux contemporains qui peuvent mesurer ce que cette différence de potentiel pèse dans la dynamique d’une confrontation.
L’unité des peuples de Russie. Souvent on s’interroge sur les raisons de l’unité de la mosaïque des peuples qui composent la Russie. C’est très simple, avec les Juifs et les Tziganes, ils partagent tous le souvenir d’avoir été traités de sous-hommes et d’avoir fait le sacrifice commun de millions de morts pour repousser les Allemands qui voulaient les faire disparaître.
Ça y est, ça recommence, les Allemands veulent à nouveau nous éliminer. Voilà le message que l’envoi des panzers va communiquer de manière transversale au peuple russe dans sa diversité. Car le rapport entre l’Allemagne et la Russie est bien particulier. Il n’a aucun équivalent avec aucun autre peuple au monde. Avec celle des Juifs et celle des Tziganes, les Allemands sont les seuls dans l’Histoire à avoir théorisé et mis en œuvre la destruction des peuples slaves et de l’Orient russe et leur mise en esclavage. En chaque Russe demeure de manière irréfragable le sentiment d’avoir été traité « d’Untermensch » par les Allemands, d’avoir été promis à l’éradication ou à l’esclavage. En chaque Russe existe le sentiment qu’ils ont su triompher du mal absolu et qu’il va falloir refaire les mêmes sacrifices que ceux qu’on fait les héros avant lui. Chaque Russe sait qu’il va devoir un jour faire face et se sacrifier s’il le faut. Avec l’envoi des panzers en Ukraine, ils comprennent que le moment est venu, qu’il n’y aura plus de report d’échéance. Chaque Russe y est prêt. Sa mère et sa femme y sont prêtes.
Un moment historique où tout converge et où leur destinée se joue. Alors oui, les Russes savent que pour eux le tragique revient dans leur Histoire et que tout va se rejouer maintenant. Chaque Russe sait qu’il faudra encore faire des sacrifices pour ne pas disparaître. Il y a là une différence anthropologique fondamentale entre eux et nos peuples suicidaires. La volonté de vivre d’un côté, le nihilisme et l’autodestruction de l’autre. Là encore, ça fera toute la différence.
Résonance historique en Russie des mots Allemagne, panzers, bandéristes, nazis, Ukraine. Ils l’ont dit, si les Russes sont entrés en Ukraine, c’était aussi pour la dénazifier. Or aujourd’hui, la célébration du nazi Bandera par ce pays et l’affichage à tous les niveaux de symboles et d’insignes nazis par les Ukrainiens leur donne raison. Donner des panzers aux nazis ukrainiens, c’est rejouer l’Histoire. Pour les Russes, le message est très clair. Il résonne comme un coup de tocsin dans leur mémoire collective et dans leur cœur, au plus profond de leur âme. Ça y est, ça recommence.
Baerbock, « nous menons une guerre contre la Russie ». Plus de doute possible. C’est bien la ministre fédérale allemande des Affaires étrangères qui a confirmé devant l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe que l’UE et l’Allemagne menaient une guerre contre la Russie. Et ce sont bien des panzers allemands qui vont être livrés aux bandéristes ukrainiens. Appelez-les Léopard si vous voulez, pour les Russes ça ne change rien au symbole.
La Russie ne peut plus perdre cette guerre. Dans ces conditions, on peut confirmer ce que nous savons tous ici et qu’on a maintes fois répété. La Russie ne peut pas perdre cette guerre. D’autant moins maintenant ; que le retour tragique de l’Allemagne et de ses démons dans l’Histoire le lui interdisent. Nihilisme mortifère, haine de soi auto-destructrice ? À ce niveau, on se demande ce qui anime les Allemands pour tenter un tel retour après la branlée qu’ils ont prise au match aller. Qu’est-ce qu’ils veulent ? Revoir les Russes à Berlin ? Si tel est le cas, il semble bien qu’ils leur aient envoyé un billet de retour.
Le plus probable à ce stade si on en reste aux armes conventionnelles. On exclut ici l’hypothèse nucléaire. Les Occidentaux vont faire durer cette guerre sur le sol ukrainien le plus longtemps qu’ils pourront. Après les chars, ce seront les avions, les missiles et les personnels pour les servir qui seront envoyés dans la fournaise ukrainienne. Alors, oui, ça va durer. Mais tout indique que l’appareil industriel occidental ne sera pas en capacité de suivre le train d’enfer que va imposer cette guerre. Tout simplement parce que le matériel occidental est un produit marketing ultra-sophistiqué et donc coûteux, fragile et non durable. Il est conçu pour être renouvelé à toute allure en fonction de l’obsolescence planifiée et d’une course insensée aux évolutions technologiques ; ceci afin dégager du chiffre d’affaires et un maximum de bénéfices pour les actionnaires de l’industrie privée. Pas pour faire de manière parcimonieuse une guerre réellement longue et dure dont plus personne en Occident ne sait ce que ça veut dire.
Anecdote : pour la conquête de l’espace, les ingénieurs de la Nasa ont dû concevoir un stylo bille spécial pour écrire en apesanteur. Les Russes, eux, se sont contentés de crayons à papier. Ce n’est évidemment pas du tout la même approche. Et c’est ce qui fait que les Russes vont gagner cette guerre. Parce qu’eux ne la font pas pour les dividendes des actionnaires ou par progressisme compulsif, mais pour leur survie et par idéal patriotique. C’est toute la différence.
À l’inverse, l’industrie russe conçoit du matériel fonctionnel et relativement simple, facile à produire en grande quantité et à moindre coût, facile à entretenir et facile à servir pour les opérateurs. Au niveau du matériel, les stocks existants et les capacités de production de l’industrie russe finiront de faire la différence. Autrement dit, on s’épuisera avant eux. Ils auront le dernier mot au plan industriel.
D’autre part, le matériel occidental demande un niveau de formation des opérateurs, intenable dans une guerre longue forcément consommatrice d’hommes. Les Occidentaux n’auront pas la capacité de former les hommes pour servir leur matériel sophistiqué au fur et à mesure des pertes. Par ailleurs, il n’est plus temps pour les concepteurs occidentaux de changer de paradigme pour la conception de leur armement. Ils devront faire avec ce qu’ils ont et ce n’est pas à leur avantage.
Qui du côté ukrainien et occidental pour faire cette guerre ? Côté US, depuis 45 ces gens ne savent plus faire une guerre pied à terre et ils les ont toutes perdues. Quant à celle de 45, ils n’ont brillé que parce que les Russes étaient en train de consumer la Wehrmacht sur le front de l’Est. Sans quoi ils n’auraient jamais pu débarquer. Alors stop le mythe de la toute-puissance militaire US. De surcroît, entre les obèses, les drogués, ceux qu’il faut réformer, les délinquants, les asociaux, et ceux qui ne remplissent pas les conditions suffisantes au niveau cognitif, l’armée US n’arrive plus à recruter suffisamment. Ce seraient 70 % des jeunes Américains qui ne rempliraient pas les conditions requises pour entrer dans l’armée.
https://www.opex360.com/2022/07/23/lus-army-a-de-serieux-problemes-de-recrutement/
https://www.lesechos.fr/monde/etats-unis/larmee-americaine-a-un-enorme-probleme-avec-les-americains-136862
En plus, il faut savoir que la situation politique aux États-Unis est catastrophique, que de nombreux États sont au bord de la sécession et que ce pays est au bord de la guerre civile. Dans ces conditions, il n’y aura pas de consensus dans la population pour aller faire cette guerre. Et ce ne seront pas les rednecks blancs des États républicains qui iront suivre les démocrates hystériques dans cette aventure. Ceux qui s’engagent dans cette aventure en comptant sur les USA pour faire le job se fourrent le doigt dans l’œil jusqu’à l’omoplate. Le peuple US et l’économie US d’aujourd’hui ne sont plus ceux de décembre 41. La puissance US n’est plus dans le hard power. Elle n’est plus que financière et dans le soft power ; ce qui ne sert à rien quand seule la poudre parle.
Qui pour y aller pied à terre côté européen ? Clairement l’Ukraine est pratiquement à bout de ressources humaines. Alors qui d’autre dans la durée puisque c’est le parti que semble vouloir imposer l’Otan ? Des Polonais ? Sans doute, ils y sont déjà et ce sont de bons candidats pour la suite. Savent-ils seulement à quoi ils sont candidats ?
Et ensuite ? Des Baltes, c’est zéro. Des Finlandais, c’est zéro. Des Roumains, des Bulgares ? Sans blague, qui peut y compter ?
D’autres pays de l’ancien bloc de l’Est ? Des Hongrois ? C’est non d’avance. Des Tchèques ? Peut-être quelques-uns, mais ça n’ira pas chercher bien loin.
D’autres alliés de l’Otan ? Des Espagnols, des Italiens ? Sans blague ? Des Belges ? Oui, eux sont assez paradoxaux pour vouloir y aller, mais c’est zéro. Des pays du Nord ? Zéro ou à peu près. Des Britanniques ? Qui peut y compter aujourd’hui ? Ce peuple est détruit, il n’a plus d’armée et pas de possibilité d’en lever une.
Des Allemands ? Peut-être quelques-uns au début, mais ce pays n’est pas non plus en état de lever une armée de masse pour une guerre de haute intensité. Problèmes de consensus. Même question qu’aux États-Unis, qui va vouloir et qui va être en état d’y aller chez eux ? Et que pèse la Wehrmacht ? Réellement, pas grand-chose.
Des Français ? Je ne veux contrarier personne, mais notre armée est échantillonnaire. On a un peu de tout mais assez de rien. Et ce ne sont pas nos quelques commandos, ou la Légion (certes brillants), habitués à des coups de mains dans des guerres coloniales ou à la marge d’autres conflits de basse intensité qui pèseront quoi que ce soit dans cette affaire. Quant à nos armes, n’en parlons pas, on est déjà à poil. Cela, sans parler de notre état-major.
Le compte est vite fait : zéro + zéro = la tête à Toto. Ou à peu près, en tout cas largement insuffisant quand on parle d’une confrontation de millions d’hommes de part et d’autre.
Une différence de potentiel et une dynamique largement en faveur de la Russie. D’un côté, une Russie acculée à se battre pour sa survie, ultra-patriotique, douée d’un réel idéal appuyé sur la religion et sur l’Histoire, en état de lever un sérieuse armée de masse, et dotée d’un complexe industriel capable de fournir des armes en quantité et dans la durée. De l’autre, une coalition hétéroclite, sans idéal, sans motivation, déjà mal armée à ce stade, hors d’état de lever des armées de masse, pas du tout prête à la vraie haute intensité et dotée d’un appareil industriel certes ultra-sophistiqué mais justement trop pour être efficace à ce niveau de jeu.
Cette différence de potentiel donne nettement l’avantage à la Russie qui va nous épuiser dans un conflit que nous allons vouloir faire durer mais que nous ne pouvons ni soutenir ni gagner.
Les Russes obligés de recréer un glacis en Europe de l’Est. Compte tenu de sa symbolique et du passé, l’entrée en guerre de l’Allemagne marque de manière incontestable la volonté de l’Occident global de détruire la Russie. Tel est malheureusement le sens du message qui vient d’être envoyé aux Russes. Dans ces conditions, ils n’auront plus d’autre choix que de pousser à l’Ouest quand ils en auront fini avec l’Ukraine. Certes, ce sera encore long. Mais quand la question aura été réglée en Ukraine et que l’Occident se trouvera complètement désarmé et hors d’état de résister, les Russes pourront pousser loin à l’Ouest pour recréer un glacis devant eux et se protéger dans la durée.
Ce n’est pas ce qu’ils voulaient faire, mais c’est ce qu’ils vont devoir faire. Ne serait-ce que pour que toutes les petites Irina puissent encore vivre en paix pendant 70 ans.
Les dés sont jetés. À ce stade, les Baltes, les Polonais et sans doute les Allemands ont déjà pris leur ticket. Les Russes ne vont pas les laisser recommencer de sitôt. C’est bien malheureux, mais ils vont devoir les écraser.
Quant à nous… On ne pèse plus rien depuis longtemps, on s’est déjà foutus à poil de nous-mêmes. Nous sommes déjà tellement insignifiants qu’on ne pourra que subir et espérer qu’ils ne jugeront pas utile d’arriver jusqu’à Paris. Espérons qu’ils se contenteront de nous châtier en nous privant d’accès à leurs ressources et en nous boxant dans un coin de la diplomatie mondiale, là ou est désormais notre vraie place.
Martin Moisan